Audrey Ballacchino
Intention de l’artiste
«La dimension funéraire est centrale dans ma recherche et traverse également mon héritage. Je m’empare de ce sujet pour investir la mort d’une manière plus libre sans m’encombrer davantage du poids des injonctions sociales ou des traumatismes familiaux ; mes origines italiennes m’aident à cela. A envisager la mort proche de nos vies, de nos espaces de vie et à ne pas la reléguer à une périphérie oubliée qui pourrait nous hanter. Se familiariser avec Elle, lui offrir des espaces matériels de recueillement, s’en préoccuper de manière concrète et collective c’est aussi se réapproprier cet imaginaire parfois inquiétant et le réinvestir de nos visions actualisées. Les objets permettent de contenir nos intentions, nos projections, nos pensées et hommages, ils permettent de faire trace et de proposer une geste en lien entre des mondes qui nous échappent. Les objets funéraires sont une tentative de langage envoyé à l’au-delà»
Présentation de l’artiste
Audrey : «Je suis née dans les Vosges, issue de parents qui tirent tous deux leurs origines de l’immigration italienne. Mon père est sicilien et j’ai souvent l’impression de ne tenir cette identité que par des restes. Un nom. Mon travail s’inspire largement de l’art populaire sicilien, il refait le trajet libre et fantasmé vers cet ailleurs.
La table est mon lieu de rencontre, le plan sur lequel tout se joue. S’y accolent la sculpture proche de l’objet utilitaire mis en situation d’absurdité, l’objet domestique qui fait sculpture dans la composition globale de l’ensemble. Et comme il est question d’héritage plus large, j’aime que la tradition fréquente les expressions plus contemporaines dans les formes, les émaux et les techniques mixtes ( tournage, modelage, estampage avec moules en plâtre...). Les objets sont en porcelaine, ils évoquent si bien les objets de la table que ceux du cimetière. Ils sont des passeurs entre des espaces éloignés d’appétit et de répulsion. Ils questionnent les fonctions et les représentations : la confusion entre ce qui présente et ce qui est présenté, entre le contenant et le contenu qui se mêlent dans une profusion gourmande. Cette recherche s’inscrit volontiers dans le registre baroque, celui-ci m’est cher puisqu’elle permet d’allier les contraires, de flatter la bizarrerie et les irrégularités du vivant ; de lier aussi les thématique de la vie et la mort. Ainsi, par ce travail d’aménagement de la table je propose une relecture de certains rituels quotidiens à travers des déformations de nos référents passés , et ce dans l’intention que cela nous invite à une libre interprétation de nos héritages. Je souhaite parler sans avoir à traduire. En évoquant des images usées, en empruntant à l’art populaire ce qu’il a de généreux : un langage de symboles et d’impressions directes. Le tout comme un collage de carte postale parfois mal assorti qui propose des assemblages. Ce travail rafistole une réalité mal souvenue par un langage figuré recouvert de crème.»

